TRACÉS. Nº17 : QUE FAIRE DES INSTITUTIONS ?
L’institution constitue l’un des thèmes privilégiés de la recherche en sciences sociales, que l’on songe par exemple à l’étude des réalités juridiques et politiques, ou à celle des conventions et des normes. Fidèle à son programme et à sa vocation pluridisciplinaires, la revue semestrielle Tracés propose de confronter dans un numéro intitulé “Que faire des institutions ?” plusieurs approches méthodologiques et épistémologiques afin de prendre le pouls du renouvellement de l’analyse institutionnelle dans différents champs des sciences humaines et sociales. Un renouvellement multiforme qui traduit bel et bien un retour en force du thème après sa relative marginalisation au sortir de la seconde guerre mondiale ; un renouvellement qui tente également de réintroduire le caractère processuel et dynamique des institutions, contre une acception généralement fixiste, ou tout du moins “figeante”, du terme . Le numéro de Tracésaccueille ainsi des contributions variées, aux tonalités et aux propositions parfois fort différentes, qui ont cependant toutes pour point commun de montrer l’actualité du débat autour de la notion “d’institution” et de ses fonctions .
La dynamique des institutions
Les questions que posent Arnaud Fossier et Eric Monnet dans l’éditorial rappellent que le numéro ne vise pas à un état des lieux de la question institutionnelle, quasi impossible au vu de la variété des acceptions du terme en fonction des différents disciplines. Il s’agit davantage d’interroger l’efficacité, le devenir et la fonction des institutions, en un mot leurs possibles usages. La question pragmatique “Que faire des institutions ?” signale d’emblée les présupposés négatifs qui pèsent sur les institutions , lorsqu’on les pense dans leur dimension statique (des “structures sociales figées ou, dans un sens plus restreint, des ‘organisations’” ). À partir des travaux du philosophe John Searle, dont l’œuvre parcourt une grande partie de l’introduction et du numéro , les institutions sont définies comme des “faits strictement humains (…) dépendant de notre langage et d’une intention collective” . Les institutions seraient ainsi des faits collectifs, qui influencent et contraignent les acteurs sociaux. En cela, l’institution est intéressante pour ce qu’elle permet de révéler, puisqu’elle est à la fois “ce qui est institué” et “ce qui institue”. On retrouve ici le caractère fondamentalement double de l’institution, à la fois statique et dynamique ; le numéro prend le parti de privilégier l’étude de la dimension dynamique de l’institution, “ce que le collectif institue” , c’est-à-dire la possibilité des transactions, des interactions et des négociations autour des règles et des normes. Le philosophe Olivier Morin en vient même à remettre vigoureusement en cause la notion de “règle constitutive”, comprise comme ce qui crée ou ce qui rend possible les pratiques sociales ou les comportements (une notion utilisée en particulier en philosophie analytique des sciences sociales par Searle, David Bloor ou encore Vincent Descombes ). Pour lui, les méthodes d’identification des consensus sociaux, et au-delà, les formes de codification des institutions non codifiées reposent sur des intuitions peu fiables, et l’autorité compétente censée définir la “règle constitutive” d’une institution est susceptible de changer, d’être contestée voire de ne pas exister. C’est donc “l’histoire d’une institution qui nous renseigne sur elles, pas le simple examen des règles elles-mêmes” .
Titre du livre : Tracés. nº17 : Que faire des institutions ?
Auteur : Arnaud Fossier, Eric Monnet
Éditeur : ENS Lyon
Date de publication : 25/11/09
N° ISBN : 284788193X