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22 septembre 2023 5 22 /09 /septembre /2023 15:58

Communiqué par Christophe Canivet.

Comme nous sommes en pleine visite de sa majesté Charles III, je me permets de ressortir une anecdote contée par Charles Frémine à propos de la Visite de la reine Victoria à Bricquebec en 1857.

 

Frémine reste discret sur le nom de l'entrepreneur... Or il y avait en ce temps-là Cherbourg un établissement qu'on appelait communément le "Cinquante-cinq" (mais de quelle rue ?)

 

 

1897/06/16 (N9959).

LE JUBILÉ DE LA REINE 

J'ai oublié la date et le nom du jour1, pourtant très mémorable, où s'est passée, en plein soleil, la très véridique histoire que je vais essayer de narrer. 

Or, ce jour-là, de grand matin, et au fur et à mesure qu'ils ouvraient leurs volets et mettaient le nez à la fenêtre, les habitants de Cherbourg apprenaient avec non moins d'orgueil que d'étonnement que la reine d'Angleterre venait, sans les prévenir, de débarquer tout simplement chez eux. Et, non seulement la nouvelle était vraie mais, chose rare pour une nouvelle, celle-ci se trouvait bien au-dessous de la vérité. 

La reine Victoria n'était pas seule ; son mari le prince Albert, ses fils et ses filles l'accompagnaient. Voyageant incognito, la famille royale était descendue à l'hôtel de l'Amirauté, sur le port. Le yacht qui l'avait transportée de Plymouth en terre de France, se balançait à l'ancre, mouillé à quelques encablures de la jetée. 

Malgré l'incognito, dès neuf heures, la ville était sur pied. La foule emplissait les quais et les rues. Les campagnes voisines commençaient à affluer. Ce que voyant, la reine, au retour d'une excursion tumultueuse à la redoute d'Octeville d'où l'on découvre la rade et la digue, manifesta le désir, après déjeuner, de pousser une pointe dans l'intérieur du pays et de se dérober de la sorte aux bruyantes manifestations de la brave population cherbourgeoise. 

Mais où aller ? Deux buts de promenade furent proposés : Valognes, célèbre pour ses bourgeois; Bricquebec, connu pour son vieux château-fort, récemment classé parmi les monuments historiques. La reine n'avait rien à dire aux bourgeois de Valognes; le château de Bricquebec lui disait quelque chose. Au temps des anciennes guerres, ses ancêtres l'avaient occupé, sinon bâti. Des souvenirs de famille l'y rattachaient. Elle opina pour Bricquebec. 

Le voyage arrêté, on s'occupa d'y pourvoir. 

Il n'y avait alors dans les environs qu'un seul loueur de voitures en possession d'un matériel roulant à peu près passable. À sa profession reconnue de voiturier, cet honnête industriel, qui se nommait X., en joignait bien une autre à vrai dire moins avouable; mais le temps pressait, on n'avait pas à choisir et force fut de s'adresser à lui. Il fit du reste les choses proprement et convenablement. 

Bientôt, sous les fenêtres de l'hôtel, arrivèrent cinq calèches découvertes et bien attelées. La maison royale d'Angleterre, escortée du préfet maritime, du sous-préfet de Cherbourg et de trois ou quatre fonctionnaires, s'y installa du mieux qu'elle put, et l'on partit gaiement dans la poussière et le soleil d'une belle après-midi d'été. 

De Cherbourg à Bricquebec, il y a cinq bonnes lieues, au courant desquelles la route monte et descend à travers un pays des plus agréablement accidentés. L'homme avait choisi ses meilleurs chevaux et donné ses meilleurs cochers. On roulait bon train. Vers trois heures, au tournant de la côte de Catigny, la vieille bourgade normande était en vue. Avec son château féodal au centre et son église romane tout à l'extrémité, elle déployait en travers de la vallée, au creux d'un cirque de collines, sa ligne houleuse de maisons inégales.

La voiture de la reine y pénétra la première par la rue du Bailly, presque entièrement peuplée de petits rentiers et de cultivateurs. Les chevaux allaient au pas. 

Les jeunes princesses mirent pied à terre, accompagnées de leurs servantes. Coiffées de larges chapeaux de paille, riant, jouant, courant, elles descendaient le rustique trottoir, écharpes dénouées et robes volantes, lorsqu'une vieille, à leur passage, fit un grand signe de croix et détourna la tête. Quelques pas plus loin, un groupe de femmes qui travaillaient et causaient assises à l'ombre, sur les marches d'un escalier de pierre, se levèrent brusquement à leur approche et se dispersèrent en maugréant.

  • Ah ! Seigneur Jésus ! les effrontées ! Veux-tu bien rentrer, Rosalie !
  • Et toi, Justine, je te défends de regarder par la fenêtre !

C'étaient des mères qui sermonnaient leurs filles. On entendait des bruits de portes violemment poussées. Les signes de croix continuaient à pleuvoir. Deux vieilles dames qui tricotaient en se faisant vis-à-vis dans l'embrasure d'une croisée, fermèrent leurs rideaux qu'elles épinglèrent avec soin. À mesure que les princesses avançaient, la rue devenait déserte. Quand le cortège défila dans le milieu du bourg où la population industrielle et commerçante est plus hardie et mieux éveillée, ce fut bien autre chose. Là on ne se gêna plus. Des allusions plus que transparentes — heureusement formulées en patois — s'échangeaient tout haut d'une maison à l'autre. Les marques d'une hostilité gouailleuse allaient s'accentuant. 

Devant le café de Paris, un ancien artilleur surnommé le Grand-Poil, tout frais revenu de Cherbourg où il était en garnison, se plante carrément sur le bord du trottoir, et l'air goguenard, clignant de l'œil, se mit à faire aux princesses étonnées de petits signes d'intelligence et de familiarité. Et le peintre en bâtiment d'à côté criait à l'horloger d'en face :

  • Ce sacré Grand-Poil ! Quel lascar ! il les connaît toutes ! ?

C'était à n'y rien comprendre. Le préfet maritime regardait le sous-préfet rural, lequel regardait ses bottes. Seuls, les cochers, qui riaient sous cape, semblaient connaître le mot de l'énigme. 

On parvint de la sorte à l'hôtel du Vieux-Château, situé au milieu de l'enceinte de la vieille forteresse et installé dans l'ancien logis des seigneurs de Bricquebec. 

Une chambre fut préparée, au premier étage, pour recevoir la reine, et quand elle s'y fut enfermée avec tout son monde, le sous-préfet prenant l'hôtelier à part, l'interrogea sur l'étrange réception dont il venait d'être le témoin. 

  • Dame! Monsieur, lui répondit cet homme naïf, c'est toujours la même chose quand ces créatures-là viennent ici. Même que ça me fait du tort de les recevoir chez moi. Je sais bien que X. en change souvent et que celles qui sont avec vous ne sont pas les mêmes que celles qui sont venues la semaine dernière. Mais on ne s'y laisse pas prendre. Les voitures et les gens sont connus, et le pavillon trahit la marchandise... 

Et comme le sous-préfet hésitait à comprendre. 

  • Oh ! Monsieur a beau faire l'étonné. Tout le monde sait ici le métier que cet homme fait dans le pays. 
  • Mais, malheureux ! c'est la reine Victoria, c'est la famille royale qui est chez vous ! 

Et laissant à ce coup notre maître d'hôtel tout déferré, le sous-préfet courut chez le maire. 

Mis rapidement au courant de la situation, le maire chargea cinq ou six hommes de peine qu'il avait sous la main d'aller de maison en maison tirer au plus vite ses chers administrés de leur méprise, en leur annonçant de sa part que c'était bien la reine d'Angleterre en personne qui les honorait de sa visite. Mais ceux-ci ne voulurent rien entendre. 

  • Ça la reine d'Angleterre ! Ça des princesses ! La bonne histoire ! Et leurs couronnes ? Et leurs chaînes ? et leurs manteaux d'or et d'argent ? et leurs robes de velours et de soie ? À d'autres mes garçons ! Tenez, en voilà des reines et des rois, et des empereurs et des impératrices ! Regardez donc un peu comme ces gens-là sont faits ? 

Et ils montraient aux commissionnaires essoufflés les images peintes, les estampes de Limoges et d’Épinal clouées aux murs de leur logis. Les malheureux délégués en furent pour leur course. Personne ne bougea. 

Que faire ? Le sous-préfet se creusait en vain la cervelle. Le maire eut une idée. Il y avait sur la tour du château deux vieux pierriers, deux couleuvrines qui servaient les jours de fête. Le canonnier Milhomme fut mandé à la hâte : 

  • Tirez le canon et hissez le drapeau sur le donjon ! Lui dit le maire. 
  • Il n'y a plus de poudre, objecta le Milhomme. On atout brûlé le 15 août. 
  • Eh bien ! servez-vous de poudre de chasse. Prenez ce qu'il en reste chez l'armurier Darin-Ribel. De mon côté, je vais m'adresser aux chasseurs et aux braconniers du bourg. Prévenez, en passant, Lavinique, votre servant de pièce. Chargez jusqu'à la gueule ! vous m'entendez, Milhomme, et mille tonnerres ! que ça. Ronfle !

Un quart d'heure ne s'était pas écoulé qu'une double détonation éclatait et que le drapeau — un drapeau mal reteint qui datait de 48 et sur le rouge duquel on lisait encore : République française flottait au sommet du vieux donjon féodal. 

Pour le coup, le doute n'était plus permis. Devant cette éclatante manifestation officielle, il ne restait qu'une chose à faire, réparer du mieux qu'on pourrait le déplorable quiproquo dans lequel on était si malheureusement tombé. Hommes, femmes, enfants, chacun fit à la hâte un bout de toilette, et de tous les coins de la bourgade, on s'achemina, vers le vieux château.

La vaste cour se trouva bientôt trop étroite. Le maire, ceint de son écharpe, donna, au galop, une leçon d'anglais sommaire à ses trop méfiants administrés ; il y eut même une petite répétition générale sous la Grande Porte, et quand la reine entourée de son mari et de ses enfants, apparut comme une bonne mère de famille à la fenêtre ouverte de l'hôtel, ce fut une explosion deGod Save the Queen des mieux réussies. Queen ! Queen ! Ce mot surtout faisait merveille. Le canon tonnait tout le temps à faire crouler la tour, et, bien au-dessus du drapeau tricolore, un vol de corneilles effarouchées décrivait, en croassant, de grands cercles dans l'air. 

Après une courte promenade à pied, autour des remparts, la famille royale remonta en voiture. Les pauvres ne furent point oubliés. Et comme elle sortait de la bourgade, acclamée par une foule respectueuse, la reine Victoria dit en riant au prince Albert : 

  • Quel singulier pays ! C'est la première fois qu'en entrant dans une ville, je vois autant de signes de croix saluer mon passage ! 

CHARLES FRÉMINE 

 

1 Sur place, une plaque commémorative nous rappelle que : «  le 18 août 1857, S. M. Victoria, reine d'Angleterre, descendit à l'hôtel du Vieux-Château, accompagnée de son mari, des princesses Victoria & Alice & du prince Alfred »


Le Journal de Cherbourg 19/03/1846

Deux andalouses du n° cinquante-cinq comparaissaient à l'audience de lundi dernier devant la justice, sous la prévention d'un vol d'argent commis au préjudice d'un nommé Bertrand, marin, demeurant à Cherbourg, qui avait passé avec elles dans leur établissement, une nuit d'orgie. Les deux andalouses se nomment Pauline Groult et Marie Hébert. Reconnues coupables, mais avec circonstances atténuantes, elles ont été condamnées chacune à deux mois de prison, et solidairement aux frais.

 

On les retrouve peu après, avec toutes les coordonnées utiles
 

Le Journal de Cherbourg 16/08/1849

Pauline Groult, Caroline Hébert et Adèle Leneveu, toutes trois pensionnaires de l'établissement Voidet, connu sous la dénomination de numéro Quarante-Quinze, et situé à Cherbourg, rue du Vieux-Pont, comparaissaient devant la justice, sous la prévention, à la complicité l'une de l'autre, d un vol de douze pièces d'or,.formant une somme de 240 francs, enlevés au préjudice de leur chef de maison. 
Ces dames avaient déjà eu quelques démêlés avec la justice; ce qui n'aidait pas à atténuer leur faute. Les débats ont prouvé la culpabilité des filles Hébert et Groult, qui ont été condamnées : la première à 6 mois de prison, et la seconde à deux années de la même peine, se trouvant en état de récidive; cette dernière restera en outre, à l'expiration de sa peine, sous la surveillance du gouvernement pendant cinq années. Quant à la fille Leneveu, reconnue non coupable, le tribunal l'a renvoyée acquittée. Avant l'audience, ces demoiselles, naturellement sensibles et faciles à s'émouvoir, avaient nanti sans doute quelque faiblesse, quelque évanouissement, car, au moment où avocats, avoués, huissiers se promenaient dans la salle, elles vidaient ce qu'elles nomment communément une bouteille de Camphre qu'un complaisant commissionnaire leur avait fait parvenir. L'huissier de service s'en étant aperçu, les priva bientôt de cette douce libation, enleva la bouteille de leurs mains et Ia jeta sur le pavé, au grand mécontentement des prévenues
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Published by Yves Marion - dans Histoire
4 avril 2023 2 04 /04 /avril /2023 09:14

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Published by Yves Marion - dans Histoire Questions de société
3 décembre 2022 6 03 /12 /décembre /2022 10:27

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24 octobre 2022 1 24 /10 /octobre /2022 18:17

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Published by Yves Marion - dans Histoire
19 octobre 2022 3 19 /10 /octobre /2022 20:38

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Published by Yves Marion - dans Histoire
21 septembre 2022 3 21 /09 /septembre /2022 20:37

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Published by Yves Marion - dans Histoire Informations
26 juillet 2022 2 26 /07 /juillet /2022 19:44

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Published by Yves Marion - dans Histoire
24 juin 2022 5 24 /06 /juin /2022 21:47

Autres temps, autres mœurs ? Voici un acte de baptême bien original, de presque deux pleines pages, lié à une procédure de rapt.

Par Christophe Canivet

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Published by Yves Marion - dans Histoire
13 juin 2022 1 13 /06 /juin /2022 17:58

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Published by Yves Marion - dans Histoire de l'école Enseignement - scolarité Histoire
4 juin 2022 6 04 /06 /juin /2022 18:08

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