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25 novembre 2007 7 25 /11 /novembre /2007 09:30

@RT Flash] Lettre 453 du 23 novembre au 6 décembre 2007.

Les biocarburants de deuxième génération issus de la biomasse et de la mer pourraient changer la donne énergétique
 

Après la Banque mondiale, c’est au tour de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) de s’inquiéter de la vogue des agrocarburants destinés à limiter les émissions de gaz à effet de serre dans le domaine des transports.

 

Faire passer de 1 % à 11 % la part d’agrocarburants dans la consommation totale de carburants d’ici à 2050 n’ira pas sans bouleversements majeurs. "En théorie, écrivent les auteurs, il y a assez de terres sur le globe pour nourrir une population en expansion tout en produisant suffisamment de biomasse." Mais "la transformation des terres pour la production d’énergie à partir de la biomasse poussera les prix alimentaires vers le haut". L’OCDE s’attend à une progression de 20 % à 50 % au cours de la prochaine décade. Le bilan n’est pas fameux non plus en termes environnementaux, souligne le rapport, car la tentation sera grande "de remplacer les écosystèmes comme les forêts, les zones humides et les pâturages par des cultures destinées aux agrocarburants".

 
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Mais, à côté de nos forêts, la mer pourrait devenir une source importante de biomasse et de biocarburant. Le programme Rotterdam Climate Initiative, dont font partie la municipalité et le port de Rotterdam notamment, a réuni récemment des spécialistes de l’énergie et de l’industrie des algues à Rotterdam, pour discuter du rôle des algues dans la production d’énergie durable.

 

Les algues n’ont besoin que de lumière du soleil, de CO2 et d’eau avec des oligo-éléments, du phosphate et de l’azote, pour se développer. Les variétés d’algues les plus adaptées pour la production de biocarburant sont les algues vertes unicellulaires, micro-organismes primitifs situés en dessous des plantes. On peut utiliser 99 % de leur masse pour fabriquer des médicaments, des matières colorantes, des plastiques biologiques ou des biocarburants. Environ 40.000 litres de biocarburant par hectare peuvent être produits chaque année, ce qui représente un rendement important.

 

Les algues sont surtout cultivées dans des systèmes d’étangs ouverts. Un photobioréacteur qui permettra de contrôler précisément certains paramètres est actuellement expérimenté pour une culture en système fermé. Mais la grande quantité de verre nécessaire pour une culture en batch empêche la production à l’échelle industrielle. La culture des algues à l’avantage de produire de l’énergie durable sans concurrencer l’agriculture. En effet, les bassins ou les réacteurs sont placés en mer ou dans les villes.

 

En France, les chercheurs du Laboratoire océanographique de Villefranche-sur-Mer (LOV) travaillent sur un produit énergétique étonnant. Capable de faire tourner un moteur, il est fabriqué à partir d’organismes microscopiques poussant dans l’eau douce ou l’eau de mer : des microalgues. Produites par photosynthèse, elles peuvent contenir jusqu’à 60 % de leur masse en lipides. Avec cent grammes d’huile extraits d’un litre de microalgues, la promotion de ces cellules permet donc d’espérer un rendement à l’hectare trente fois supérieur à celui du colza ou du tournesol !

 
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Les chercheurs ont déjà institué un processus de fabrication non polluant. L’élaboration d’algues en bassin permet la récupération et le recyclage de substances minérales néfastes pour l’environnement. Qui plus est, les stations de production d’algues seront couplées avec des stations de production de carbone afin de recycler les émissions de CO2 grâce à l’énergie solaire.

 

À l’heure actuelle, le litre de carburant d’algue coûte plus cher que le pétrole. Mais plusieurs éléments permettent d’espérer, à terme, une bien meilleure rentabilité. Certaines microalgues contiennent des molécules à haute valeur ajoutée, comme les oméga 3 et les antioxydants, très recherchées dans le domaine de l’agroalimentaire ou de la cosmétique. « En améliorant les procédés de séparation des différentes molécules et en stimulant les microalgues selon certains procédés, on pourrait faire de la coproduction et diviser les coûts », estime Antoine Sciandra, directeur de recherche au CNRS.

 

Au Danemark, la laitue de mer (Ulva lactuca), une belle et grande algue d’un vert cru, pousse vite et bien, nettement mieux que le blé, qui sert justement à fabriquer du bioéthanol. Pour les Danois, l’intérêt est évident. Les surfaces agricoles manquent un peu d’espace (le pays produit environ 5 millions de tonnes de blé contre, bon an mal an, 35 millions pour la France). Si on la compare au blé, la laitue de mer gagne sur la plupart des terrains.

 

Non seulement sa croissance est plus rapide (l’algue double son poids tous les trois à quatre jours) mais, à surface égale, la production de biomasse (sans eau, donc) est considérable. Alors que, poussée au maximum, la production de céréales ne dépasse pas dix tonnes à l’hectare, il serait possible, d’après les chercheurs, d’atteindre entre 200 à 500 tonnes avec la laitue de mer ! Pour le Danemark, la potentialité serait de 80 à 100 tonnes. En outre, cette algue est plus riche que le blé en sucres, la matière première pour la synthèse de l’éthanol.

 

Facile à cultiver, la laitue de mer a même tendance à proliférer naturellement sur les milieux côtiers pollués par des rejets organiques (elle adore les composés soufrés et nitrés résultant de leur décomposition). Sa simple récolte pourrait donc servir à atténuer ses mauvaises odeurs, relancer l’oxygénation des zones polluées et fournir du biocarburant.

 

Au rythme d’augmentation du prix des carburants fossiles, et compte tenu de l’impact environnemental de plus en plus contesté des biocarburants de première génération et de leur effet négatifs sur la hausse des prix des céréales, ces biocarburants de deuxième génération, issus de nos forêts et de nos océans pourraient s’avérer rentables d’ici 5 ans à condition de poursuivre au niveau européen notre effort de recherche dans ce domaine. Sans constituer une panacée, ces biocarburants véritablement écologiques, et n’entrant pas en concurrence avec les cultures vivrières, pourraient permettre d’accélérer sensiblement la mutation des transports vers l’ère de l’après-pétrole et contribuer ainsi à lutter encore plus efficacement contre le réchauffement du climat dont la réalité et l’ampleur viennent encore d’être confirmées par le dernier sommet du GIEC à Valence.

René Trégouët

Sénateur honoraire

Fondateur du Groupe de Prospective du Sénat

http://www.tregouet.org/article.php3?id_article=511

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Published by Yves Marion - dans Questions de société