Prise de vue du château de Crosville en Normandie
Transformé en greniers et bâtiment agricole vers 1800, le château sombre doucement dans l’oubli. Plusieurs générations de fermiers se succèdent, habitant seulement l’aile droite et engrangent foin, céréales dans les somptueuses salles. En 1932, M. et Mme Auguste Lefol et leurs 10 enfants arrivent comme fermiers (locataires) : 105 hectares de terres, les communs et le château dont les salles abandonnées servent de poulailler et de réserve. C’est Emile, un des enfants qui reprend la suite en 1965 avec sa femme Paulette. Jusqu’à cette époque, le propriétaire assurait quelques travaux de maintien au niveau des toits. Mais vers 1970 les révisions ne servent plus à rien, les toitures se dégradent, il faut du neuf. Devant le refus de la part du propriétaire d’engager des travaux, le château est classé Monument Historique. 10 ans passent, et les toits fuient de partout, les charpentes pourrissent, les sols se dégradent…
En 1980, c’est la mise en vente. La fille des fermiers, Michèle, n’en croit pas ses oreilles : « le château est à vendre ! » A vendre « son » château ? Elle l’apprend dans le car scolaire alors qu’elle revenait de l’école. Elle est née ici, elle y a grandi. Dès l’âge de six ans, elle aimait guider les quelques amateurs éclairés qui se hasardaient au porche. Le donjon semblait si haut ! Y grimper était une véritable expédition. Tout en haut de l’escalier, c’était (et c’est toujours) la récompense, découvrir les collines et les marais souvent brumeux de ce pays qu’elle aime tant. A ses pieds, la cour du château, qu’elle traversait en riant avec sa chèvre. Chasse au trésor, la petite princesse se prend à ses jeux, elle a toujours à découvrir, à imaginer, « il est beau mon château » disait-elle aux visiteurs, même si il fallait disposer une collection de bassines pour recueillir la pluie qui traversait les toitures usées.
Michèle Lefol et le château de Crosville, Manche
Acheter ou partir. Michèle ronge ses nerfs, sourire aux lèvres, chagrin en poche, devant les (rares) éventuels acheteurs. Elle ne quittera pas Crosville, c’est décidé. Elle utilise tous les moyens, jusque aller à ajouter de l’eau dans les bassines pour les faire déborder afin de décourager les amateurs. Elle tente de convaincre ses parents d’acheter la propriété. Au bout de cinq ans de mise en vente, elle réussit à les décider. Ils s’endettent lourdement. Michèle n’a que 19 ans, elle a l’inconscience de sa jeunesse, et ne se rend pas compte de ce qu’implique un tel achat. Elle a eu la chance d’avoir des parents aimants au point de se lancer dans une telle aventure, qui apparaissait à beaucoup comme une folie. Mais, ne s’appelle-t-elle pas Lefol, un nom tout prédestiné.
Devenus « châtelains », ils ne changent rien à leur mode de vie. Ils continuent à exploiter la ferme à vocation laitière.
Michèle prend son bâton de pèlerin, décide l’ouverture au public, dépose des dossiers pour trouver le financement des travaux des toitures. Il faut faire vite car la ruine menace. Son enthousiasme, cette espèce de magnétisme qu’elle dégage, son charisme personnel : tout le monde tombe sous le charme de ce couple infernal. Des Associations, des Fondations Nationales lui donnent de l’argent pour commencer les travaux. La première tranche démarre en 1986, l’Etat verse 50%, le Département 25%. Il est extrêmement rare de voir un tel acharnement pour sauver son patrimoine. Une association est créée en 1987 « Les amis du Château de Crosville », elle a pour but d’animer et de promouvoir le château. Désormais, chaque année de pâques à octobre, des expositions et de nombreuses animations ponctuent la saison. Il revit, il vit tout simplement.
« Crosville est un château bien situé, il a bel aspect, une belle structure, il y en a de plus beaux, il y en a de plus grands, il y en a qui ont plus d’histoire, mais celui-là a de la personnalité. Tous les châteaux connaissent des périodes d’heurs et de malheurs ; Crosville est sauvé parce qu’il est tombé entre les mains d’une folle, d’une « folle de château » ».
Jardin
Visite du jardin du château
Tout a commencé en 1999 par la récupération d’une vieille haie de buis replantée par Guy FLEUROUX et Michèle dans le jardin potager, derrière le château. Un premier carré a ainsi vu le jour, puis des boutures ont permis de former d’autres carrés, des losanges, des topiaires… Aujourd’hui, le jardin s’étend sur toute la longueur du château et compte de nombreuses espèces de plantes vivaces associées à des légumes. Ce jardin n’est pas une reconstitution conforme de ce qui existait au XVIIIème siècle. A cette époque, l’enclos d’un hectare délimité par les murs et les pavillons comprenait un potager, un fruitier et un espace herbé pour la détente. Le château n’a pas été habité suffisamment de temps pour qu’un jardin à la française voie le jour. Aujourd’hui, il s’ouvre à la visite. Il permet de découvrir la façade nord du château, jusqu’alors inaccessible, en flânant parmi diverses variétés d’échiums, d’alliums grandiflora, d’abutilons, de cornouillers aux fleurs si délicates… un callistemon (dit rince-bouteilles) s’acclimate fort bien entourés de viburnum, de callicarpa, de cerinthe aux fleurs d’un bleu si profond. Une arche de roses parfumées vous emmènera vers la fierté de Michèle : un romneya, pourtant difficile d’acclimatation dans notre région. Le blason des Crosville reconstitué en buis s’admire plus aisément des fenêtres du château. Passé ce carré, des euphorbes, des artichauts côtoient la rhubarbe des célèbres tartes de Michèle. Et enfin vous pourrez déambuler dans le tout jeune fruitier où se mêlent hautes tiges et espaliers. Michèle plante, plante, pas toujours consciente de l’entretien que cela implique.
Visite du jardin du château de Crosville-sur-Douve
http://www.chateau-crosville.fr/
Pour obtenir des renseignements sur les prestations du château
(réservations, repas groupes, mariages, séminaires …),
bien vouloir contacter
Michèle LEFOL:
Adresse e-mail: chateaucrosville@orange.fr
ou bien appeler le 02 33 41 67 25