Hérouville et son architecture

Ils ont décortiqué l'architecture d'Hérouville

La Région publie un « Parcours du patrimoine » sur la ville nouvelle, voisine de Caen et son urbanisme exubérant. On y découvre qu'elle a inspiré de grands noms de l'architecture contemporaine.

Entretien

Stéphanie Dupont, auteur ; Manuel de Rugy, photographe ; Emmanuel Luis et Yannick Lecherbonnier, coordinateurs du projet. Parcours du patrimoine est dirigé par l'Inventaire du patrimoine culturel pour le compte de la Région.

Pourquoi avoir choisi de travailler sur le patrimoine hérouvillais ?

Une des raisons, c'est le fait que la Citadelle douce, quartier de la mairie et le château d'eau ont été labélisés « patrimoine du XX^e siècle ». Nous travaillons rarement sur un patrimoine si récent. Nous avons choisi de proposer au grand public quatre itinéraires pour découvrir la ville nouvelle et son architecture.

Hérouville vous a-t-elle réservé des surprises ?

Nous avons découvert des quartiers verdoyants et une architecture dépaysante, des formes aux coloris. Des unités de vie originales : les pavillons Campmas, avec leur cheminée barbecue centrale, à La Haute-Folie ; les maisons Séroc de Montmorency, du logement collectif horizontal en préfabriqués... L'idée était de montrer qu'un vrai regard architectural a été porté sur cette ville.

L'originalité d'Hérouville commence par la manière dont elle s'est construite...

Au début des années 60, le programme de l'Union des architectes urbanistes (UAU) a été choisi notamment parce qu'il permettait une construction par tranches successives, autonomes. Le plan s'inspire des new towns anglaises, héritières des cités-jardins du début du XX^e siècle. Les nouveaux quartiers sont reliés entre eux par des passerelles. On y distingue les espaces réservés aux piétons de ceux dédiés à l'automobile. Chaque quartier est conçu pour être indépendant. Sans que rien ne soit figé, car l'architecture d'une ville est toujours en mouvement.

Vous dites aussi qu'Hérouville s'est construite en opposition avec Caen ?

L'ancien maire, François Geindre, voulait qu'Hérouville soit plus que la cité-dortoir de Caen. La Citadelle douce, conçue par Eugène Leseney, est une place forte qui fait face au château de Caen. De même, le béton de la ville nouvelle répond à la pierre blonde caennaise.

Beaucoup l'ignorent mais Hérouville est une juxtaposition de grands noms de l'architecture ?

Jean Nouvel a imaginé les bâtiments rouges et gris de l'esplanade Rabelais ; Sophie Denissof a dessiné le Collège-lycée expérimental ; Duncan Lewis et Hervé Potin ont créé la Forêt d'émeraude du terminus du tramway...

De grands architectes ont aussi accepté de participer à des projets plus modestes, comme la maternelle de Lebisey, conçue par Christian de Portzemparc. D'où cette idée de laboratoire architectural.

De grands noms, mais quelques échecs, tout de même : des barrières, du vide, du froid...

C'est le reproche fréquemment fait à la Citadelle douce. Lieu politique, elle n'était pas pensée pour être animée en permanence mais pour accueillir les grands rassemblements. Certaines choses n'ont pas marché, comme la Halle. Pleine de courants d'air, elle a été réaménagée en bureaux.

Propos recueillis parAurélie LEMAÎTRE.

Ouest-France

Mise en ligne :Jean-Paul Hervieu