Montebourg : une abbaye née
sous une bonne étoile ?
Colloque organisé par la Société d’archéologie et
d’histoire de la Manche, section de Valognes,
et l’Association des amis de l’abbatiale
de l’abbaye de Montebourg
Résumés
1. François Neveux (professeur émérite d’histoire du Moyen Âge à l’université de Caen
Basse-Normandie, vice-président de la Fédération des sociétés historiques et
archéologiques de Normandie) : « L’Essor du monachisme en Normandie au XIe
siècle ».
La future Normandie avait connu une première floraison monastique à l’époque
mérovingienne. Dans le Cotentin, on peut citer notamment les monastères de Portbail,
du Ham et de Saint-Marcouf. Tous ces monastères ont été détruits à l’époque des
« invasions » scandinaves, à l’exception du Mont Saint-Michel. Quelques abbayes
sont relevées au Xe siècle, comme celles de Jumièges et de Saint-Wandrille. Mais c’est
surtout au XIe siècle qu’on assiste à un nouvel essor du monachisme, sous l’impulsion
des ducs de Normandie. L’exemple des ducs est bientôt suivi par de nombreux
aristocrates, qui s’attachent à créer des monastères liés à leur famille, où ils font
élection de sépulture. L’abbaye de Montebourg constitue un exemple intéressant de ce
type de fondation.
2. Christophe Mauduit (titulaire d’un master 2 d’histoire, université de Caen Basse-
Normandie, UFR d’histoire) : « Les Origines de l’abbaye de Montebourg ».
La charte de fondation de l’abbaye de Montebourg, si elle a existé, ne nous est pas
parvenue. Cette « absence » nous empêche d’identifier avec certitude le « fondateur »
(laïc ou non) de l’abbaye. Trois choix s’offrent au chercheur : Richard de Reviers,
dont la sépulture affirme son statut de fondateur ; Guillaume le Conquérant, reconnu à
partir du XVe siècle par les moines de l’abbaye comme fondateur ; enfin, Roger,
moine de La Croix Saint-Leufroy, premier abbé de Montebourg, notamment accrédité
par Robert de Torigni (on serait alors dans le cas d’une fondation érémitique). La
question du fondateur renvoie à un autre problème, celui des motivations : pourquoi
une abbaye à Montebourg ?
3. Denis Hüe (Professeur de langue et littérature françaises du Moyen Âge à l’université
de Rennes 2 Haute-Bretagne, membre du CELAM) : « Le Ciel, Marie et l’abbaye ».
Extrait du Martyrologe de l’abbaye de Montebourg, le texte de la légende de la
fondation de l’abbaye de Montebourg semble dater de la première moitié du XVe
siècle. Il narre comment deux hommes justes décident de quitter leur patrie, la Savoie,
pour se consacrer à une vie érémitique dans le royaume des Francs. Après un long
voyage, ils couchent un soir sur la plage de Grandcamp. L’un des deux compagnons,
endormi dans une barque de pêcheur, est arraché au rivage par les flots et s’échoue sur
les côtes anglaises. Voyant dans cet événement un signe divin, les chanoines de la
cathédrale de Salisbury élisent le Savoyard évêque, car le poste était vacant. Durant ce
temps, l’autre compagnon, nommé Roger, poursuit son chemin. Il s’arrête sur le mont
Aphilantis, à proximité de Montebourg. Dans son sommeil, Dieu lui indique qu’il
devra fonder une chapelle ou un oratoire à l’endroit où il distinguera une lumière
céleste pareille au feu de la foudre, ou à une étoile qui descendrait du ciel en terre. La
nuit suivante, à minuit, la vision céleste se produit. À l’endroit de la forêt dégagé par
le feu divin, Roger construit une chapelle en l’honneur de la Vierge. Quelque temps
plus tard, le médecin du duc Guillaume le Conquérant, qui n’était autre que le frère de
Roger, est attiré à Montebourg par la nouvelle de cette fondation ; il reconnaît son
frère et rapporte le miracle à Guillaume, qui réside à Cherbourg. Celui-ci encourage
alors la fondation et décide qu’une abbaye doit être édifiée au lieu désigné par l’étoile.
Roger en sera le premier abbé.
4. Abbé Bernard Jehan (ancien curé de Montebourg) : « L’Église paroissiale Saint-
Jacques de Montebourg ».
L’histoire de l’église Saint-Jacques ne peut pas être dissociée de celle de l’abbaye
Sainte-Marie de Montebourg.
Édifiée par l’abbé Pierre Ozenne, elle « a été bâtie d’un seul jet et admirablement
conservée ». « Les dates extrêmes de sa construction se situeraient entre 1318 et
1329 ».
Elle se présente au visiteur dans un ordonnancement très unifié. Un regard attentif
perçoit d’importantes différences entre la nef et le choeur. Il en déduit deux époques de
travaux et deux maîtres d’oeuvre distincts. Un regard prolongé permet d’émettre
l’hypothèse d’un troisième maître d’oeuvre.
Un familier de l’édifice, curé de Montebourg pendant deux années, invite à partager ce
qu’il a vu, noté, compris d’une construction vieille de bientôt sept siècles.
5. Éric Van Torhoudt (docteur en histoire, professeur agrégé d’histoire au lycée de
Saint-Pierre-sur-Dives, membre du CRAHAM) : « Chanoines et moines à Néhou et
Montebourg (vers 1090-1147) ».
Le sujet de la communication serait de reconstituer le contexte des relations entre
seigneurs laïcs, chanoines et moines dans le diocèse de Coutances lors de l’absorption
par l’abbaye de Montebourg de la collégiale Saint-Georges de Néhou. Ces relations
sont particulièrement intéressantes dans ce diocèse qui fut un quasi-« désert
bénédictin » jusqu’en 1060 environ et dans lequel les clercs séculiers et les chanoines
préservèrent la continuité des institutions ecclésiales à travers les invasions, puis
durant le premier siècle de la période ducale.
Je reviendrai dans un premier temps sur les fondations respectives de la collégiale
Saint-Georges de Néhou (1100/1107) et de l’abbaye de Montebourg (avant 1092).
Puis j’analyserai les circonstances de la concession de la collégiale à l’abbaye (1152,
jour de la dédicace de l’abbatiale) par Guillaume de Vernon : alors que le mouvement
des chanoines réguliers réformés étaient très actifs dans le diocèse (Saint-Hélier,
Saint-Lô, Notre-Dame-du-Voeu, Blanchelande), pourquoi avoir choisi une abbaye
bénédictine ? La famille de Reviers-Vernon, protectrice des deux établissements,
restait ainsi plus fidèle à l’esprit de la fondation initiale et privilégia sa relation avec
une abbaye étroitement liée au pouvoir ducal.
6. Stéphane Laîné (docteur en sciences du langage, membre du CRISCO, président de
la Société d’archéologie et d’histoire de la Manche, section de Valognes) : « Ce que le
cartulaire de l’abbaye de Montebourg apporte à la connaissance de la toponymie
cotentinaise ».
Réalisé au XIIe siècle, le Cartulaire de l’abbaye de Montebourg comporte 790 chartes
qui permettent de mieux comprendre l’espace relevant de l’abbaye dans le Cotentin,
mais aussi au-delà, jusqu’en Angleterre. Si les formes graphiques des noms de
paroisses recoupent en général les autres sources utilisées par les linguistes pour leur
approche diachronique de la toponymie du Cotentin, de nombreuses mentions, parfois
difficilement interprétables, apportent un regard nouveau sur la connaissance de la
microtoponymie. Des lieux-dits actuels acquièrent une perspective historique, tandis
que certaines occurrences laissent le chercheur dans une expectative que le croisement
des sources ne permet pas toujours de lever.
7. Patrice Mouchel-Vallon (D.E.A. d’histoire moderne, professeur certifié d’histoire au
lycée Alain d’Alençon, membre du CRAHAM) : « La radicalité de l’engagement du
clergé séculier et régulier de Montebourg dans la Ligue (1589-1598) ».
Si la conduite politique du clergé du Cotentin pendant la Ligue restait une question
chargée de mystères, tel n’était pas le cas de celle du clergé de Montebourg dont le
jusqu’au-boutisme fut l’une des caractéristiques et la sanction à la hauteur de
l’engagement personnel. Le dépouillement des arrêts du parlement de Normandie
apporte maintenant les éclaircissements qui manquaient, insistant d’une part sur
l’attitude équivoque des principaux ecclésiastiques du diocèse par opposition aux
curés de paroisse très investis dans la révolte et d’autre part le trait d’union que
représentait Montebourg entre la tête de la révolte située à Valognes et ce petit clergé
féroce du Val de Saire, son principal relais armé, sans lequel Le Tourp n’aurait jamais
pu tenir. Le clergé de Montebourg, c’est le refus des faux-semblants et du double jeu,
qui, après 1590, continue le combat au beau milieu des bois ou à l’autre extrémité de
la Normandie, même quand il est perdu. Acharnement dont les conséquences sont
lourdes pour Montebourg, qui se payent par des assassinats en pleine rue, un pillage en
règle et un déclin irréversible de l’abbaye hors d’état de rétablir ses droits.
8. Jean Margueritte (Société nationale académique de Cherbourg, inscrit en master 1
d’histoire, université de Caen Basse-Normandie, UFR d’histoire) : « Les Derniers
Moines de Montebourg, 1740-1791 ».
1766, le roi Louis XV met en place la Commission des Réguliers, composée de cinq
prélats et de cinq conseillers d’État pour examiner la situation des monastères en
France, en particulier lorsque ceux-ci sont dépeuplés voire totalement déserts. C’est le
cas de l’abbaye de Montebourg qui, depuis le milieu du XVIIIe siècle, n’a plus que
deux ou trois moines résidants. Qui sont ces religieux, et que disent-ils de leur
situation, de leur vocation, de leurs craintes lorsqu’ils comprennent que la suppression
de leur abbaye est inéluctable ? Pouvaient-ils être entendus alors que le pouvoir royal,
l’autorité épiscopale et l’opinion publique les considéraient comme « inutiles à l’État »
et peut-être même à l’Église ?
9. Julien Deshayes (animateur de l’architecture et du patrimoine, Pays d’art et d’histoire
du Clos du Cotentin) : « L’Abbatiale romane de Montebourg, une grande inconnue du
Cotentin médiéval ».
Entièrement disparue aujourd’hui, l’église abbatiale de Montebourg exerça, au même
titre que celle de Lessay, un rôle tout à fait moteur dans le développement de
l’architecture romane cotentinaise. En nous fondant sur quelques vestiges encore
identifiables et sur les représentations antérieures à la destruction complète de
l’édifice, nous tenterons, au cours de cette communication, de restituer les principales
dispositions architecturales ainsi que certains aspects du décor sculpté de cette grande
inconnue du Cotentin médiéval.
CELAM : Centre d’Études des Littératures Anciennes et Modernes (Université de Rennes 2 Haute-Bretagne) – CRAHAM : Centre de
Recherches Archéologiques et Historiques Anciennes et Médiévales (Université de Caen Basse-Normandie) – CRISCO : Centre de
Recherche Inter-langues sur la Signification en Contexte (Université de Caen B