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7 janvier 2021 4 07 /01 /janvier /2021 10:37

Pour Tocqueville, les associations sont un enjeu capital pour la démocratie. « Dans les pays démocratiques, la science de l'association est la science mère, le progrès de toutes les autres dépend des progrès de celle-là. »

C'est là que se joue l'éducation première du citoyen car, selon le philosophe politique, le plus grand danger de la démocratie c'est de glisser naturellement vers l'autocratie autoritaire. Le citoyen, par son regard éclairé,  est le gardien des valeurs et du fonctionnement de la démocratie. Les associations ont, comme l'école, ce rôle et cette responsabilité d'éducation du citoyen. 

Les associations, culturelles, savantes, sportives et autres sont par essence celles des adhérents qui les composent et non, comme trop souvent, celles des dirigeants qui, dans une sorte de processus démocratique  inversé,  dictent  les conduites à tenir. Ils dirigent au sens premier du terme, consciemment ou inconsciemment, au nom de l'efficacité Les adhérents, rarement consultés, souvent informés à contre-temps,  quand ils le sont, sinon pour approbation réglementaire, se sentent assez justement méprisés. D'où la désaffection générale constatée. Une situation unanimement déplorée mais finalement largement acceptée pour demeurer dans un entre-soi exclusif. 

Il ne sera pas possible de dire que Tocqueville n'avait pas prévenu. Mais qui a vraiment lu Tocqueville ? C'est pourtant une lecture qui devrait être fortement recommandée et constituer la base d'une éducation et d'une formation de tout responsable d'association. Les mouvements d'éducation nouvelle le font bien. Elles sont, hélas, de moins en moins audibles dans un monde où l'individualisme prime sur les démarches collectives et solidaires, dans un monde superficiel où l'image, le paraître, le marketing, la communication avec ses techniques, ses manigances et ses artifices, ses "pièges à capturer les gogos" (Orsenna) l'emportent sur la raison.

La catastrophe sanitaire présente n'est-elle pas là pour le rappeler. Catastrophe et non seulement crise selon Boris Cyrulnik ! Parce que, bien que le contraire soit constamment affirmé, sortir d'une crise consiste, la plupart du temps, à s'empresser de revenir comme avant. Les exemples ne manquent pas. Nous avons tous en tête les toutes dernières crises économiques et/ou financières, les crises politiques, etc. Le niveau local de telle ou telle association n'échappe pas au constat, montrant à qui veut bien le comprendre que, pas plus dans ce domaine que dans d'autres, il n'est pas facile d'apprendre de ses erreurs quitte à promouvoir une histoire contrefactuelle ou uchronique. 

Pourtant, nous sommes directement concernés par les conséquences de la gestion libérale, de la mondialisation et du libre-échange avec son cortège de techniques de communication qui ont pour effet de vider de sens le collectif. Il se pourrait bien qu'on redécouvre les bienfaits de la notion d'Etat au sens de Locke ou de Hobbes. Et alors tant pis pour ces chantres de l'image et de la formule, ces apôtres du discours factice et fabriqué, ces techniciens des éléments de langage, ces thaumaturges de la rhétorique captieuse, ces idéologues du vide qui savent promouvoir l'affirmation de liberté pour en faire une redoutable dépendance. 

La reconquête passera par la redécouverte de l'esprit associatif et de ses authentiques valeurs éducatives. C'est là que se retrouve le rôle que Tocqueville assignait aux associations. Celui de contrôle de l'action démocratique pour en empêcher les inéluctables dérives. Il importe de reconstruire une culture collective, une culture partagée, une culture qui réaffirme le primat de l'intérêt général sur l'individualisme forcené générateur de superficialité et de mise en scène. Le rôle éducatif des associations va être primordial dans ces transformations pour que "rien ne soit plus comme avant". Le chemin sera long et les résistances, fortes, difficiles à contourner. Gardons espoir, les générations qui viennent sauront trouver des chemins nouveaux. Faisons en sorte que la génération aux commandes, à tous les niveaux du pouvoir et des responsabilités, ne s'arrange pas pour bloquer, par de quelconques stratagèmes, une inéluctable évolution des mentalités et des esprits. Car au théâtre du verbe et du faire-semblant, la communication est, le plus souvent affaire de dupes pour dupés consentants. Ils le savent et tout le monde le sait et ça ne dissuade personne ! 

"Se réinventer". Certes ! Mais "le jour d'après" ! Pourquoi ne l'avoir pas fait le jour d'avant ?  Il est clair que ça passe par une redéfinition des modèles associatifs et des valeurs.

7 janvier 2021. Sommes-nous plus avancés? Certes, non. Et ce n'est pas la situation actuelle qui nous démentira et encore moins l'exemple de la démocratie en Amérique. Pas celle de Tocqueville mais celle, pitoyable, qui est donnée à voir.

à suivre... 

 

Yves Marion, 24 mars 2020. Maj 30 mars 2020, 17 avril 2020, 25 mai 2020, 7 janvier 2021

 

Voir article de jean-Louis Benoit :  http://rsatgenea.free.fr/mhem/documents/MECP_3.pdf

 

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Published by Yves Marion - dans Questions de société