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27 mars 2018 2 27 /03 /mars /2018 11:25

Dans son ouvrage référence, La Démocratie en Amérique,  Alexis de Tocqueville, s'interroge sur l'avenir de la démocratie quand des pouvoirs intermédiaires ne formeraient plus qu'un obstacle entre gouvernants et gouvernés. Une administration publique, au fur et à mesure que l'individu aspire à davantage de liberté "devient plus inquisitive... et s'immisce de plus en plus". Dans ces conditions, quelle part d'initiative finira par laisser un Etat aux citoyens  quand il entend pourvoir à tout, et que les mêmes citoyens attendent tout de l'Etat ? Tocqueville redoutait, par dessus tout, l'étatisme jacobin pourvu "d'un monstrueux pouvoir tutélaire". En même temps, le Normand, aussi président du Conseil général de la Manche, mettait en garde contre une forme d'individualisme qui, dans une société démocratique, ne déboucherait que sur la défense d'intérêts immédiats, ou d'avantages acquis, parfois contraires à l'intérêt général de la collectivité. Il faut relire Tocqueville. L'association constitue le bon moyen de lutter contre cet individualisme et participe de l'éducation du citoyen pour autant que le principe moteur, on pourrait même dire, une éthique, en soit, ce qu'il appelle : "l'intérêt bien entendu" qui, situé entre le strict intérêt individuel et le désintéressement, répond à la fois aux intérêts particuliers et à l'intérêt général.

Citons Tocqueville lui-même. 

"Il est, en effet, difficile de concevoir comment des hommes qui ont entièrement renoncé à l’habitude de se diriger eux-mêmes pourraient réussir à bien choisir ceux qui doivent les conduire ; et l’on ne fera point croire qu’un gouvernement libéral, énergique et sage, puisse jamais sortir des suffrages d’un peuple de serviteurs. (note) 

Une constitution qui serait républicaine par la tête et ultra-monarchique dans toutes les autres parties, m’a toujours semblé un monstre éphémère. Les vices des gouvernants et l’imbécillité des gouvernés ne tarderaient pas à en amener la ruine ; et le peuple, fatigué de ses représentants et de lui-même, créerait des institutions plus libres, ou retournerait bientôt s’étendre aux pieds d’un seul maître."

De la démocratie en Amérique, tome II, éd.1866, vol. 3, partie 4, chap. VI (Wikisource)

La note introduite par l'auteur mérite autant d'importance :

"On ne peut pas dire d’une manière absolue et générale que le plus grand danger de nos jours soit la licence ou la tyrannie, l’anarchie ou le despotisme. L’un et l’autre est également à craindre, et peut sortir aussi aisément d’une seule et même cause qui est l’apathie générale, fruit de l’individualisme ; c’est cette apathie qui fait que le jour où le pouvoir exécutif rassemble quelques forces, il est en état d’opprimer, et que le jour d’après, où un parti peut mettre trente hommes en bataille, celui-ci est également en état d’opprimer. Ni l’un ni l’autre ne pouvant rien fonder de durable, ce qui les fait réussir aisément les empêche de réussir longtemps. Ils s’élèvent parce que rien ne leur résiste, et ils tombent parce que rien ne les soutient.

Ce qu’il est important de combattre, c’est donc bien moins l’anarchie ou le despotisme que l’apathie qui peut créer presque indifféremment l’un ou l’autre."

 

 

Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique. Publication de 1835 à 1840.

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Published by Yves Marion - dans Mes lectures Questions de société